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Agriculture : quelles alternatives à l’azote de synthèse ?

Le 4 avril dernier, B4C a organisé un webinaire sur les alternatives à l’azote de synthèse, qui a rassemblé près de 100 participants. Plusieurs solutions ont été présentées pour répondre aux multiples enjeux qui pèsent sur la fertilisation azotée en agriculture.

« Sur nos terres crayeuses peu fertiles, si les agriculteurs n’apportent pas d’azote, les rendements chutent de 50 %, et le taux de protéines des blés baisse de 20 % », rapporte Emilien Maillard, ingénieur agronome au sein de la coopérative Ceresia, présente sur huit départements du nord-est de la France. La réalité du terrain est sans appel et même si les chiffres peuvent être différents selon les types de sols et les cultures, elle est largement partagée sur l’ensemble du territoire : la fertilisation azotée est un poste clé en agriculture.

La fertilisation azotée est aussi au cœur des enjeux environnementaux actuels. « Les engrais de synthèse, très énergivores, pèsent lourdement sur l’empreinte carbone des fermes », a rappelé Michel-Pierre Faucon, enseignant-chercheur en écologie végétale et agroécologie à UniLasalle Beauvais, en introduction du webinaire organisé par B4C sur les alternatives à l’azote de synthèse. L’azote est par ailleurs sujet à la volatilisation (en ammoniac, qui pollue l’air), à la dénitrification (en protoxyde d’azote, puissant gaz à effet de serre) et au lessivage (entraînant la pollution des rivières, nappes phréatiques…). En moyenne, seul 50 % de l’azote apporté à la parcelle est in fine valorisé par les plantes…

Ce poste soulève aussi la question du coût économique (premier poste de charge des fermes céréalières, en forte hausse ces dernières années) et de la souveraineté (la France est très dépendante des importations). « Des alternatives existent, notamment dans la valorisation des coproduits présents sur les territoires. Il nous faut raisonner au-delà de l’agriculture », souligne-t-il.

« Les enjeux économiques s’ajoutant aux aspirations environnementales, on sent, depuis trois à cinq ans, une demande de plus en plus forte pour les nouvelles sources d’azote », témoigne Sylvain Pluchon, Directeur R&D en nutrition végétale du CMI Groupe Roullier, acteur français de la nutrition des sols et des plantes depuis 60 ans.

 

Le rôle clé des légumineuses

Capables de fixer l’azote atmosphérique, les légumineuses améliorent naturellement la fertilité des sols : intégrées dans les rotations ou en interculture, elles réduisent les besoins en azote des cultures suivantes, tout en relocalisant la production de protéines pour l’alimentation animale. « En région Grand-Est, les projets ARPEEGE1 et PARTAGE2 se sont intéressés au cycle de l’azote sur le territoire, entre culture et élevage. L’introduction des légumineuses dans les rotations est un élément-clé, mais il existe encore de nombreux freins à lever : peu d’amélioration variétale jusqu’à présent, sensibilité à la sécheresse, complexification de l’itinéraire technique, investissement dans du nouveau matériel, variabilité des rendements… Le projet PARTAGE a notamment permis d’identifier les étapes clés pour réussir ces cultures, d’évaluer les bénéfices – en termes de rendement et de bilan carbone – de l’introduction de légumineuses dans les rotations types de la région, ou encore de cartographier où il était intéressant de cultiver du soja et de la luzerne en Grand-Est », a rapporté Maëva Weens, chargée de missions Autonomie azotée et protéique à la Chambre d’Agriculture du Grand Est, lors du webinaire. « On croit beaucoup à l’évolution des pratiques culturales et à la réintroduction des légumineuses : c’est un axe de recherche important de notre coopérative », commente Emilien Maillard.

 

Les promesses des biostimulants

Autre piste explorée pour réduire les apports azotés : rendre ces derniers plus efficaces grâce à des biostimulants. « On travaille sur ce sujet depuis près de 15 ans, témoigne Emilien Maillard. Au début, on recevait quelques produits à tester chaque année ; aujourd’hui, on nous en propose plus de 100 ! On en sélectionne chaque année une petite trentaine, en retenant ceux qui nous semblent les plus prometteurs en termes d’efficacité, de régularité et de rentabilité. »

Les biostimulants sont notamment utilisés pour améliorer la tolérance à de multiples stress (sécheresse, excès d’eau, gelées, salinité…). C’est le pari engagé par le groupe Roullier, avec sa gamme ADN à base d’extrait d’algues commercialisée par TIMAC AGRO : « depuis 60 ans, nous avons fait la preuve de l’efficacité des algues pour lutter contre les stress biotiques et abiotiques », relève Sylvain Pluchon.

Les biostimulants boostent également l’absorption des nutriments par la plante et améliorent la biodisponibilité des composés nutritifs dans le sol. C’est sur ce créneau que se positionne la PME bretonne Gaïago, entreprise innovante dans la revitalisation des sols et des agrosystèmes, invitée à présenter sa solution lors du webinaire B4C. « Notre solution FREE N100 apporte au sol des bactéries de la souche Azobacter chroococcum, capables de fixer l’azote atmosphérique. Les bactéries agissent en interaction avec la plante : quand la plante a besoin d’azote, elle produit des exsudats racinaires, dont se nourrissent les bactéries, qui fixent alors l’azote atmosphérique ; à l’inverse, quand la plante n’a plus besoin d’azote, elle limite ses exsudats racinaires, et indirectement, la fixation d’azote par les bactéries. Nous avons donc un azote piloté par la plante et qui ne lessive pas », décrit Adrien Larrans, référent technique de Gaïago.

 

Un biostimulant à partir d’urine humaine

L’entreprise Toopi Organics propose de son côté Lactopi Start. L’originalité de ce produit ? Il est fabriqué à partir d’urine humaine, utilisée comme milieu de culture pour des microorganismes biostimulants. « L’urine est collectée dans des urinoirs sans eau auprès d’établissements partenaires (aires d’autoroute, parcs d’attraction, lycées…) ou dans des urinoirs mobiles déployés lors d’évènements. Elle est ensuite acheminée dans notre usine près de Bordeaux, puis transformée sur la base d’un procédé de fermentation en milieu liquide », décrit Julien Saludas, directeur R&D. Ce dernier en est convaincu : « Notre technologie peut impulser un changement radical, à la fois sur l’assainissement et l’agriculture. » La gestion des urines humaines est en effet un véritable enjeu, que ce soit en termes d’émissions de gaz à effet de serre, de consommation d’énergie, d’utilisation d’eau potable ou encore de pollution des eaux.

 

Récupérer l’azote là où il se trouve !

Plutôt que de produire de l’azote minéral de synthèse à partir d’azote atmosphérique en émettant des gaz à effet de serre et loin de nos territoires, des entreprises font le choix d’aller chercher l’azote là où il se trouve et nous pose des problèmes environnementaux : dans les effluents industriels, les stations d’épuration des eaux ou encore dans la fraction liquide des digestats de méthanisation. « On a d’un côté des sites qui dépensent beaucoup d’argent et d’énergie pour réduire la teneur en ammoniac (NH3) de leurs effluents liquides en le transformant pour le renvoyer dans l’air (sous forme N2) ; et de l’autre, des agriculteurs qui recourent à des engrais issus de procédés – très énergivores là aussi – captant l’azote atmosphérique (N2) pour produire de l’ammoniac (NH3)… L’idée de Recov’Ammonia est de créer un pont entre ces deux besoins complémentaires, et proposer un engrais azoté aux agriculteurs, directement produit à partir d’effluents liquides », décrit Emmanuel Laurent, Responsable commercial biogaz, traitement des odeurs et valorisation de l’azote chez John Cockerill Environnement.

1Autonomie en Ressources Protéiques et Énergétiques des Élevages du Grand Est
2Programme Agronomique Régional pour la Transition Agro-écologique du Grand Est

Rédigé d’après le webinaire « Alternatives à l’azote de synthèse », organisé par B4C le 4 avril 2023, et les interviews d’Emilien Maillard et de Sylvain Pluchon.

 

Dispositifs de financement : B4C vous accompagne

B4C accompagne les porteurs de projets innovants dans la recherche de financement. Sur la thématique des alternatives à l’azote de synthèse, B4C a identifié plusieurs dispositifs régionaux et nationaux :

  • AAP « Innover pour réussir les transitions agroécologique et alimentaire », BPI France
  • AAP « Financement des préséries d’innovations technologiques liées aux équipements agricoles », BPI France
  • AAP « Produits biosourcés et biotechnologies industrielles », Ademe
  • AMI « Intrants dépendant russe, biélorusse ou ukrainienne », BPI France
  • Soutien aux investissements « Equipements pour la troisième révolution agricole », France AgriMer
  • AMI « Démonstrateurs territoriaux des transitions agricoles et alimentaires – 3e vague », Banque des territoires

N’hésitez pas à vous rapprocher de nos équipes pour identifier le dispositif le plus approprié à votre projet et mettre toutes les chances de votre côté !

 

 

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