Les procédés et technologies de transformation appliqués à la biomasse sont l’une des clés de la réussite de la bioéconomie. L’amélioration de leurs performances mobilise fortement les scientifiques, les start-up, les industriels et toute la force d’innovation du pôle IAR.
Quelle que soit son origine et sa destination, la biomasse à transformer est soumise à toute une chaîne de procédés chimiques, mécaniques, biotechnologiques, thermochimiques, pris séparément ou combinés, qui permet de pré-traiter, fractionner, extraire, séparer, filtrer, purifier… Des opérations particulièrement délicates dans la mesure où la biomasse est une matière vivante, riche et hétérogène. Ce qui fait sa valeur. Ce qui fait aussi sa complexité. Pour pouvoir valoriser au mieux toutes ses composantes, certains procédés, bien qu’ayant fait leurs preuves avec les produits pétroliers, doivent être adaptés à ces spécificités et à toutes les contraintes opérationnelles liées aux marchés visés.
« L’enjeu de base, en particulier pour l’extraction de végétal, est d’avoir des procédés propres et sécurisés qui ne détruisent pas les propriétés biologiques des constituants. Mais ils ont aussi à être performants en termes de rendement, de réduction de la consommation énergétique et de protection de l’environnement. D’autant plus quand on vise, comme pour les cosmétiques, des labels naturels dont les cahiers des charges excluent parfois certaines transformations », analyse Jacky Vandeputte, directeur scientifique, responsable Innovation Bioéconomie au pôle IAR. « Le pôle s’inscrit dans la stratégie de l’intensification des procédés qui se définit par « produire beaucoup plus et mieux en consommant beaucoup moins », en associant pour la conception de l’usine du futur les équipements existants et les technologies-clés futures, avec pour conséquence de réduire de manière significative les consommations en matières premières et énergies et les coûts d’investissement (CAPEX) et opératoires (OPEX). »
Montée en échelle de procédés et technologies-clés |
Soucieux d’accompagner ces évolutions nécessaires, IAR regarde de près les technologies innovantes et en partage la connaissance à travers son réseau. Ont par exemple retenu son attention le séchage par spray électrostatique d’une microalgue permettant de préserver ses nutriments et pigments, l’utilisation de l’ozone plus intéressante que le chlore pour « débactériser » un produit agroalimentaire, les champs électriques pulsés qui améliorent le rendement d’extraction des sucres de la betterave, ou encore l’extraction par CO2 supercritique et la chromatographie de partage centrifuge qui autorisent une séparation très fine des molécules présentes dans la plante.
Comment assurer ensuite le transfert d’une technologie de la paillasse à l’industrie ? « C’est indispensable d’être capable de transférer. Dans cette montée en échelle, les plateformes publiques et privées jouent un rôle essentiel, souligne Jacky Vandeputte. Quelquefois il y a des trous dans la raquette. Les services de veille et nos radars sont à l’affût pour repérer les nouvelles technologies et cascades originales de procéder pour s’assurer qu’on est toujours à l’état de l’art mondial et pour rester dans la course. » Le pôle IAR a créé en 2018 BIOKET, la 1ère conférence internationale dédiée à ces procédés et technologies innovants, avec la volonté de rassembler tous les acteurs de la chaîne de valeur, de les faire réagir aux dernières innovations, de leur présenter des équipements de pointe. Le prochain BIOKET est soutenu par plusieurs partenaires du pôle, dont Genopole et l’Université de Lille,.
Genoscope-CEBB : prémices d’une collaboration |
Principalement orienté vers les biotechnologies et l’étude des génomes, le biocluster Genopole à Evry a fait de la biologie de synthèse l’un de ses grands domaines de spécialité, développé au sein du laboratoire Genoscope (Centre national de séquençage). Si les États-Unis sont à l’avant-garde, la France progresse à grands pas depuis les années 2000 dans cette science nouvelle. Au croisement de plusieurs disciplines (biologie, informatique, physique, chimie, mathématiques…), elle permet de créer des systèmes biologiques complexes et laisse augurer des avancées majeures dans les domaines de la santé, de l’énergie, des matériaux, mais aussi de l’agro-alimentaire et de l’environnement.
Genopole a récemment jeté un pont entre Genoscope et le Centre européen de biotechnologie et de bioéconomie (CEBB) au travers de ses quatre chaires. « C’est une volonté de notre part de nous rapprocher des acteurs agro-industriels, notamment au sein du pôle IAR », explique Roxane Brachet, chargée de mission développement scientifique et académique au Département Recherche & Plateformes de Genopole. Depuis leur première rencontre en mai 2019, les équipes des deux entités ont échangé sur leurs champs d’expertise, leurs plateaux techniques et leurs besoins respectifs, avant de conclure à la pertinence d’une collaboration sur deux axes en particulier : l’analyse des génomes et l’amélioration des capacités de détection de nouvelles voies métaboliques. La finalité, dans les deux cas, est d’optimiser le processus de transformation de la biomasse et de mieux comprendre le fonctionnement des systèmes écologiques.
Ce partenariat naissant, aux formes évolutives, s’est déjà concrétisé dans un projet doctoral co-encadré, la rédaction d’un premier article sur l’analyse des génomes dans les populations microbiennes et le dépôt auprès de l’ANR d’un projet de recherche conjoint. Portant sur la synthèse enzymatique de lactams, celui-ci est actuellement en phase finale d’évaluation. Le cercle formé par Genoscope et le CEBB pourrait à l’avenir s’ouvrir à des acteurs économiques ciblés. Roxane Brachet : « Nous sommes dans des secteurs où il est important de ne pas rester entre chercheurs et d’interagir le plus en amont possible avec le monde de l’entreprise. »
UCCS : dans la chaîne de valeur des bioraffineries |
Autre acteur de classe internationale gravitant dans l’écosystème du pôle IAR, l’Unité de Catalyse et Chimie du Solide (UCCS)* intervient sur la transformation de la biomasse sous plusieurs angles d’attaque : la fonctionnalisation de la lignine, la polymérisation, la valorisation des molécules plateformes, etc. A ceci s’ajoute une approche transversale « logique et philosophie », très innovante au sein d’un laboratoire de chimie.
C’est dans ce contexte que se développe une constellation de projets et de plateformes à la pointe, dont REALCAT. Spécialisée dans le criblage haut débit pour les catalyseurs, cette plateforme dispose d’un assemblage d’équipements de biotechnologie et de catalyse chimique unique au monde. « On y effectue principalement de la conversion de molécules plateformes en molécules à haute valeur ajoutée qui trouvent des applications dans des marchés très variés : cosmétique, pharmaceutique, peintures, solvants… », précise Franck Dumeignil, directeur de l’UCCS. A ce jour, REALCAT a levé plus de 12 M€ de contrats (pour près de 10 M€ d’aides et subventions), généré 6 brevets et plus de 60 publications, formé une centaine d’étudiants et donné naissance à une start-up (Teamcat Solutions).
Si l’UCCS s’intéresse à la catalyse sous toutes ses formes, elle travaille activement sur de nouveaux concepts tels que la catalyse hybride. « Nous sommes précurseurs au niveau mondial de cette intégration interdisciplinaire entre la catalyse chimique et la catalyse biotechnologique, insiste Franck Dumeignil. Dans une raffinerie, vous avez des étapes de biotechnologie avec des produits intermédiaires qui sont isolés et envoyés à des étapes de catalyse chimique dans des réacteurs différents. Ce que l’on fait, nous, c’est de les réunir dans un même réacteur, ce qui est très complexe à cause de problèmes de compatibilité entre les systèmes issus du vivant et les systèmes artificiels chimiques. Mais on y arrive. » Si le degré de maturité de cette technologie est encore bas, l’UCCS lance des projets tous azimuts sur la catalyse hybride à laquelle elle prédit un avenir industriel d’ici 10 ans.
*Unité mixte de recherche du CNRS, de l’Université de Lille, de Centrale Lille et de l’Université d’Artois.
BIOKET 2020 en version digitale Si le 2e BIOKET dans son format initial est reporté aux 16, 17 et 18 mars 2021 en raison de la situation sanitaire, IAR en propose gratuitement, du 30 juin au 2 juillet prochain, une version digitale innovante, en partenariat avec Genopole et l’Université de Lille. D’une manière différente mais avec un même souci d’efficacité, les participants auront accès chaque jour à trois types de séquence : des conférences ciblées sur l’état de l’innovation en matière de procédés et technologies appliquées à la biomasse, des ateliers sur les projets européens et des réunions B2B virtuelles qui leur permettront de travailler leur réseau et de rencontrer des partenaires.
Détails du programme sur : bioket-2020.b2match.io |